Le PBC analyse juridique

 

 

Histoire du ranking

Validité juridique

            Information et consultation du comite d'établissement

            Information du salarié

            Respect de la dignité des personnes

Information de la Commission de l'informatique et des libertes (CNIL)

Les dérives possibles du RANKING

            La discrimination illicite

            Le harcèlement morale

            La fraude au droit du licenciement

Rappel de vos droits

La justice encadre l'évaluation des salariés (09/08)

                                                                                                                                                         Maj le 26/09/2008

 

1         Histoire du ranking

Le RANKING repose sur un dogme : "la compétitivité d'une société se juge à la motivation et à la performance individuelle des salaries". Un tel système conçu pour motiver les salariés en récompensant, par de fortes augmentations, les plus performants intéresse tout particulièrement les sociétés positionnées sur des secteurs d'activité très concurrentiels. le "ranking" est en provenance des Etats-Unis comme d'autres phénomènes de gestion des entreprises. Il reste que cette technique s'inscrit dans une évolution déjà ancienne et durable dans le contexte de fin du taylorisme et du fordisme; à cette époque la valeur travail pouvait être appréciée à l'aune du temps et de la plus ou moins grande rapidité du salarié à accomplir une tâche quantifiée à l'aide du chronomètre. Pour dire

vrai, cette époque n'est pas totalement révolue.

"Le "forced ranking" est devenu, parfois, un outil pour se débarrasser rapidement de certains types de personnel. Ce système est d'ailleurs appelé familièrement "rank and yank",littéralement "classer puis se débarrasser...".

 

2         Validite juridique

Sa validité n'est guère contestable. Un arrêt récent de la chambre sociale le proclame en ces termes: "sous réserve de ne pas mettre en oeuvre un dispositif d'évaluation qui n'a pas été porte préalablement à la connaissance des salariés, l'employeur tient de son pouvoir de direction, né du contrat de travail, le droit d'évaluer le travail de ses salariés (Cass. soc., 10 Juillet 2002)

Mais la Cour de cassation pose des conditions à la légalité de mise en oeuvre de l'evaluation-notation:

2.1      Information et consultation du comite d'établissement

D'abord, l'information-consultation du comité d'entreprise qui doit être informé et consulté préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise sur les moyens et techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés (art. L. 432-2-l du Code du travail). L'évaluation des salariés est à l'évidence, un moyen de contrôle de leur activité.

2.2      Information du salarié

Ensuite, l'article L121-7, alinéa 2 du Code du travail ajoute une garantie quant à la  méthode d'évaluation elle-même: "Les méthodes et techniques d'évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie". Ce texte permet d'interdire tout critère de notation qui ne serait pas purement professionnel.

2.3      Respect de la dignité des personnes

principe de valeur constitutionnelle, la dignité des personnes à sa traduction en droit du travail ( arrêt cass. soc. 26 novembre 2002, n° 00-42-401).

il y a deux conséquences principales dans le cadre de l'évaluation:

 

L'évaluation est une chose sérieuse qui doit s'appuyer sur des méthodes présentant des garanties scientifiques. A ce titre, il convient d'éliminer:

 

Par ailleurs,l'évaluation ne doit pas être un examen scolaire. C'est le travail accompli réellement qui doit fonder l'appréciation et la note éventuelle: quantité de travail, qualité de celui-ci, conditions d'execution ,etc.

 

Par ailleurs, la prise en compte des résultats du salarié par rapport aux objectifs fixes doit être pondérée. Non seulement la pertinence des objectifs fixes exige une vérification, mais les résultats obtenus peuvent être dus soit à une dégradation du marché résultant des circonstances extérieures, soit à une carence de l'employeur. Ainsi l'évaluation des salariés est-elle soumise à une série de conditions qui permettent d'assurer sa fiabilité. C'est évidemment au juge, en cas de contestation, de vérifier aussi bien les procédures d'évaluation que les critères retenus.

2.4      Information de la Commission de l'informatique et des libertés (CNIL)

La loi du 6 janvier 1978 oblige les employeurs qui mettent en oeuvre des traitements automatisés à faire une déclaration auprès de la Commission, déclaration qui comporte l'engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi (art 16). Le contrôle exerce par la Commission constitue une garantie pour les salaries, et tout manquement à l'obligation légale de déclaration est sanctionné pénalement.

 

3         Les dérives possibles du RANKING

L'évaluation peut contenir ou dissimuler une faute et celle-ci peut même avoir une coloration pénale.

3.1      La discrimination illicite

Alors que l'évaluation a normalement pour finalité d'établir les distinctions entre salariés sur des bases objectives et justes, elle peut malheureusement servir à discriminer certains salariés à raison de leur origine, de leur sexe, de leurs opinions... (C. trav. art. L. 122-45).

On remarquera que la loi du 16 novembre 2001 et la loi du 17 janvier 2002 ont élargi le champ d'application des discriminations et que sont précisément visées les opérations d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle. De plus, la preuve des discriminations a été facilitée et le témoignage en cette matière protégé.

Il parait donc impossible de poser comme principe que l'entreprise comporte 5%, 6% ou 10% de salariés insuffisants. Aucun chiffre ne peut être arrêté à l'avance. Sinon, il faudrait en déduire que des salariés qui, objectivement, pourraient être classés dans une catégorie moyenne, seraient arbitrairement sous estimés pour satisfaire une politique de quotas.(FORCED RANKING)

3.2      Le harcèlement morale

Les opérations d'évaluation peuvent, dans des cas limites, donner lieu au harcèlement morale prévu et réprimé par la loi du 17 janvier 2002 (C. trav. art. L.122-49). II faut éviter des mesures excessives qui pourraient provoquer des effets nocifs sur des salariés fragiles.

Ainsi les procédés de bilan comportemental (assessment center), qui placent le salarié dans des situations critiques pour apprécier son comportement, ne peuvent être utilisés qu'avec une grande prudence; leur validité parait douteuse.

3.3      l'évaluation punition

L'évaluation peut, même involontairement, tourner à la sanction, voire à sanction pécuniaire.

Or, le droit disciplinaire est entouré de garanties (C. trav. art L122-40 et s) qui, si elle ne sont pas respectées dans la procédure d'évaluation, entraîne donc sa nullité. C'est la solution retenue par un arrêt de la Cour d'appel de Paris qui a décidé que des notations défavorables, qui n'étaient pas objectivement justifiées, constituaient des sanctions disciplinaires déguisées (Cass. soc. Paris, 12 avril 1991).

3.4      La fraude au droit du licenciement

Dans la mesure, enfin, ou le ranking, peut apparaître, lorsque le salarié est classé dans la dernière catégorie, comme une antichambre du licenciement, il faut se demander si une fraude n'est pas commise. Celle-ci peut se concevoir par rapport au droit du licenciement économique (article L. 321-1 et suivants du Code du travail), mais aussi dans le cadre du licenciement pour insuffisance professionnelle.

3.4.1      Le licenciement économique

La définition du licenciement économique est simple: c'est celui qui est prononcé pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié.

La fraude qui est parfois dénoncée dans l'emploi du "ranking" consisterait alors à dissimuler des licenciements pour motif économique en licenciement pour fait personnel. Pourquoi et comment?

 

Pourquoi; parce qu'en utilisant le motif personnel, on échapperait aux contraintes, particulièrement lourdes depuis la loi de modernisation sociale, du licenciement pour motif économique (nécessité d'un plan de sauvegarde de l'emploi, consultations nombreuses, indémnité majorées).

 

Comment; le classement dans une catégorie de salariés insuffisants caractériserait le motif personnel et dissimulerait une politique de réduction des effectifs.

Une institutionnalisation suspecte de l'insuffisance professionnelle ne peut pas être exclue d'une entreprise cherchant à camoufler une diminution de sa masse salariale sous le couvert de la notation des capacités professionnelles. Les salariés peuvent, en tous les cas, l'alléguer et le juge qui n'est pas tenu par la qualification invoqué dans la lettre de licenciement, doit rechercher quelle est la cause véritable du licenciement (Cass. soc. 10 avril 1996,n°149; Cass. soc. 26 mai l998,n°276).

3.4.2      Le licenciement pour insuffisance professionnelle

Cette éventualité est légitime, mais à une condition fondamentale. A savoir que l'employeur ait tenté d'adapter le salarié à son emploi en lui fournissant les moyens de formation adaptés.

Mais l'employeur ne doit pas oublier qu'il devra alors rendre compte de la manière dont il s'est acquitté de son obligation d'adaptation résultant de l'article L932-2 du Code du travail et qui n'est pas cantonné au licenciement économique (Cass. soc. 29 mai 2002 n° 00-40-996).

Il n'en reste pas moins qu'on demeure étonné qu'a terme, il puisse subsister chaque année dans l'entreprise, un nombre important de salariés faisant l'objet d'un classement dans la catégorie inférieure. N'y a-t-il pas la une institutionnalisation suspecte de 'insuffisance professionnelle . Celle-ci, surtout compte tenu de l'obligation d'adaptation, devrait demeurer rare et temporaire. Sa pérennisation et sa généralisation pourraient être les signes de l'organisation d'un volant de salariés dont on voudrait, à l'occasion, se débarrasser grâce à un dossier bien organisé de carence professionnelle.

4         Rappel de vos droits

Votre équipe FO vous rappel vos droits en la matière. IBM France est soumis au droit français et ne peut donc se désengager de ses obligations légales :

5         La justice encadre l'évaluation des salariés

Le TGI de Nanterre s'est penché sur un système d'évaluation des cadres fondé sur des critères assez flous. Bilan: la justice l'annule et demande à l'employeur de revoir sa copie.

Lors des entretiens d'évaluation annuels, les cadres n'auront plus le déplaisir de se retrouver face à des critères aussi flous qu'impressionnants type "création de valeur", "innovation" pour lesquels ils pouvaient être facilement sanctionné par de mauvaises notes aussi difficiles à contester que faciles à justifier. Le Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre, dans un jugement du 5 septembre 2008 rendu à la demande du comité d'entreprise, du CHSCT et des organisations syndicales du groupe Wolters Kluwer France, vient de juger illicite le système d'évaluation mis en place par le groupe fondé sur six "valeurs".

Le TGI de Nanterre demande pour avaliser le système d'évaluation que l'entreprise lui fournisse les fiches descriptives des postes de travail, la définition des six valeurs de l'entreprise, la détermination des six objectifs métiers et la détermination des douze comportements professionnels selon les métiers.

Sans remettre en cause toute évaluation des salariés, le TGI de Nanterre demande ainsi qu'elle soit sérieusement précisée et corresponde à des mesures objectives. L'encadrement de l'évaluation est en effet nécessaire tant les conséquences de mauvaises "notes" sont gravissimes et peuvent conduire au licenciement du salarié.