Principe « à travail égal, salaire égal
»
En application du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer
l'égalité de rémunération de tous les salariés placés dans une situation
identique, sauf s'il dispose d'un critère de différenciation objectif. En indiquant
qu'une différence de rémunération pouvait se justifier par les circonstances
entourant le recrutement, la Cour de cassation vient d'apporter un éclairage
nouveau à ce principe.
Cass. soc. 21 juin 2005, n° 1548 FPBRI
Fixation du
salaire par l'employeur
Les
circonstances de l'embauche également prises en compte par les juges
L'employeur est en principe libre de fixer les salaires en fonction des compétences et des responsabilités confiées à chaque salarié. Cette liberté d'individualiser les salaires comporte cependant deux séries de limites :
Il revient au salarié d'apporter au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Autrement dit, le salarié doit apporter la preuve qu'il perçoit une rémunération inférieure à celle versée par l'employeur à un collègue placé dans une situation identique (occupant strictement le même poste et exerçant les mêmes fonctions, avec les mêmes niveau et coefficient). Pour se défendre, l'employeur devra établir que la disparité de situation entre salariés était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
L'employeur qui fournit comme seule explication à la
disparité constatée la médiocre qualité du travail accompli par l'intéressé
n'apporte pas la preuve que l'inégalité de traitement dont le salarié a été
victime reposait sur un critère objectif tenant à la différence de travail
fourni (cass. soc. 26 novembre 2002, BC V n° 394).
Dans le même sens, la qualité du travail et l'assiduité ne sauraient être utilement invoquées par un employeur pour
justifier une disparité entre la rémunération de deux salariés exerçant les
mêmes fonctions aux mêmes conditions et au même grade. En effet, les juges
n'autorisent pas l'employeur à se fonder sur des fiches individuelles
d'évaluation interne ou sur les absences du salarié, dès lors que celles-ci
étaient régulièrement justifiées ou prises avec l'accord de l'employeur (cass. soc. 9 avril 2002, n° 1346 FSD).
L'employeur n'est pas autorisé à réduire la rémunération
d'un salarié au motif qu'un autre salarié assurant un travail d'une valeur
supérieure perçoit le même salaire (cass. soc. 29
juin 1999, BC V n° 307).
Par ailleurs, la question vient d'être posée à la Cour de
cassation de savoir si une disparité de rémunération pouvait être justifiée par
les circonstances de l'embauche des salariés concernés :
Dans cette affaire, une association gestionnaire d'une crèche avait dû recruter en CDD une directrice de crèche pour remplacer la directrice titulaire, embauchée en CDI et qui s'était trouvée en arrêt maladie pendant plusieurs mois. Cette directrice remplaçante avait été embauchée à un salaire nettement supérieur à celui perçu par la directrice titulaire. À la suite de la reprise de son travail, la directrice titulaire a demandé à son employeur que son salaire soit porté à la même somme en application du principe « à travail égal, salaire égal » et à bénéficier d'un rappel de salaires. Celui-ci ayant refusé, elle a porté le différend devant le conseil de prud'hommes.
La décision des juges. La cour d'appel a rejeté les demandes
de la salariée, au motif, notamment, que la différence de salaire entre la
directrice et sa remplaçante pouvait être justifiée par la situation de force
dans laquelle se trouvait cette dernière. En effet, la remplaçante a pu imposer
un certain niveau de rémunération à l'employeur qui, s'il ne l'avait pas accepté,
n'aurait pas pu continuer de fonctionner.
Conséquences.
Désormais, la jurisprudence va donc prendre en compte le
rapport de force existant à l'embauche entre l'employeur et le salarié,
celui-ci étant de nature, s'il a été défavorable à l'employeur, à justifier des
différences de rémunération entre des salariés placés dans une situation
identique. Cette décision devrait, à l'avenir, grandement faciliter les choses
pour tous les employeurs qui ont dû, à un moment donné, recruter dans l'urgence
des salariés qualifiés qui se sont donc trouvés en position favorable pour bien
négocier leur salaire. Mais la situation d'urgence était nettement caractérisée
dans l'affaire du 21 juin dernier. Reste à savoir si, au-delà des situations
d'urgence, la situation du marché de l'emploi, plus favorable aux salariés
certaines années que d'autres, suffira seule à justifier des disparités de
salaires.
FH 3108 maj 09/09/05