Action logement (anciennement 1 %
logement)
Dans sa quête de ressources pour financer des politiques publiques, l'Etat a trouvé un magot : l'argent géré par les partenaires sociaux. Au cours des trois prochaines années, le
gouvernement aimerait prélever 3,4 milliards d'euros sur Action logement, un dispositif auparavant appelé " 1 % logement " - que le patronat et les syndicats copilotent. Ceux-ci
avaient déjà été mis à contribution entre 2009 et 2011 à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Cette fois-ci, ils ne veulent plus jouer les vaches à lait. Ils envisagent même plusieurs
recours en justice afin de mettre fin à cette " extrême ponction " qui menace de mort, selon eux, une institution paritaire.
A l'heure actuelle, Action logement forme un réseau d'une vingtaine d'organismes qui collectent auprès des entreprises une " participation à l'effort de construction ". Les
versements des employeurs s'élèvent à quelque 1,7 milliard d'euros par an. S'y ajoutent les remboursements de prêts qu'Action logement a accordés à des particuliers et à des
personnes morales (organismes HLM, etc.). Au total, le système brasse 3,5 à 4 milliards d'euros par an.
Les sommes récupérées servent à de multiples actions : acquisition par des familles de leur résidence, aides à des bailleurs sociaux, travaux de réhabilitation, etc.
Durant des années, l'Etat et les partenaires sociaux ont négocié sur l'emploi des fonds. Mais cette politique, fondée sur la signature de " conventions ", a cessé en 2008, à la suite
de plusieurs rapports incendiaires de la Cour des comptes sur le " 1 % ", et de quelques scandales qui ont contraint des responsables, issus du patronat, à rendre leur tablier. De
2009 à 2011, le gouvernement a imposé à Action logement un prélèvement annuel de 850 millions d'euros. Cette manne a surtout profité à l'Agence nationale de rénovation urbaine
(ANRU), chargée de remodeler les banlieues pauvres, et à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui améliore les logements privés.
Les protagonistes devaient se revoir afin de définir l'utilisation des sommes drainées par Action logement pour la période 2012-2014. A partir de la mi-mai, le secrétariat d'Etat au
logement a donc organisé plusieurs réunions avec des représentants des partenaires sociaux. Ceux-ci ont expliqué qu'ils souhaitaient financer les mesures d'un " accord
national interprofessionnel " portant sur le logement des jeunes. Mais le gouvernement a d'autres vues sur le dossier : il veut 1,25 milliard d'euros en 2012, 1,2 milliard en 2013 et
950 millions en 2014 (pour l'ANAH et pour l'ANRU). " Inacceptable ", commente Jean-Pierre Guillon, président (Medef) du conseil de surveillance d'Action logement.
Le patronat et les syndicats sont inquiets car le modèle économique du " 1 % " a été brisé. Durant des décennies, le dispositif avait permis de distribuer des aides, principalement
sous forme de prêts. Le remboursement de ces emprunts constituait la part la plus importante des ressources du système (plus de 60 % depuis cinq ans). La donne s'est
modifiée en 2008 quand Action logement a dû mettre la main à la poche pour l'ANAH et pour l'ANRU : les sommes allouées consistaient en subventions qui ne génèrent aucun
retour financier - à la différence des prêts. Du coup, certains organismes collecteurs risquent de déposer le bilan dans les années à venir.
Le secrétaire d'Etat chargé du logement, Benoist Apparu, ne partage pas ce pessimisme. Il pense que les voeux du gouvernement peuvent être exaucés sans mettre en péril le système
- mais à condition de bouger certains " curseurs ". D'après lui, il existe des " marges de manoeuvre " du côté de la Foncière logement, une entité fondée par le " 1 % " pour lancer
des programmes de construction. Celle-ci pourrait en partie s'autofinancer grâce aux gains tirés de la vente de résidences dont elle est propriétaire. Ainsi, Action logement lui
attribuerait moins de subsides. Mais cette solution déplaît à des syndicalistes car la vocation de la Foncière logement était, au départ, de constituer un patrimoine immobilier qui devait
être donné gratuitement et intégralement aux caisses de retraites complémentaires.