Le lean management est implanté dans votre entreprise : que faire ?

 

Apparu dans l'industie, le "lean" management gagne maintenant l'ensemble des secteurs. Cet outil de chasse aux coûts pose des problèmes de dégradation des conditions de travail et de suppressions d'emploi.

Qu'est-ce que le lean management ?

Issu du toyotisme, c'est à dire des méthodes de production industrielle mises en place par Toyota à partir des années 60, le lean management (littéralement le management "maigre") est une méthode apparue dans les années. Elle se présente de façon moins cohérente que le toyotisme, c'est davantage une boite à outils...

Quel est l'objectif du lean ?

En théorie, le lean management vise à diminuer les tâches à faible valeur ajoutée réalisées par les salariés afin d'affecter la "ressource humaine" ainsi économisée sur d'autres postes, comme la recherche ou l'innovation. Il s'agit donc de limiter les gaspillages et d'optimiser les temps de production, en chronométrant les tâches, en rationalisant par exemple les déplacements ou les interventions des opérateurs, ou encore en imaginant de nouvelles solutions pratiques (un chariot facilitant les réassorts dans un magasin, une meilleure signalétique visuelle des outils à utiliser, par exemple). Cela suppose donc un fort investissement dans la durée (de 3 à 6 ans pour la mise en place), et un accompagnement important sous la forme de formation.
En pratique, la mise en place de ces méthodes se fait actuellement à très court terme : 1 an voire 6 mois parfois. Elle se solde surtout par une intensification du travail pour les salariés et par des diminutions d'effectifs, donc par d'importants gains de productivité pour l'entreprise. D'où l'intérêt pour les représentants du personnel de savoir identifier très tôt l'introduction de cette méthode dans l'entreprise, qui se fait de façon parfois cachée ou progressive. 

Quels outils cette méthode utilise-t-elle ?

Le lean se focalise sur la chasse au gaspillage. Le lean reprend de Toyota, par exemple, la méthode dite des "5S", en référence à un vocabulaire japonais omniprésent. 
Les 5S, c'est  : 

·                          S comme..."Seiri" (ranger les outils à proximité si on les utilise souvent, loin si on s'en sert moins, etc.);

·                          S comme..."Seiton" (situer, c'est à dire définir des règles de rangement);

·                          S comme "Seiso" (scintiller, c'est à dire netttoyer régulièrement);

·                          S comme "Seikestu" (standardiser, c'est à dire définir et appliquer des normes);

·                          et enfin S comme..."Shitsuke" (suivre et faire évoluer, c'est à dire permettre une évolution continuelle de l'outil).

Cela pourrait prêter à sourire...sauf que ce recours très fréquent au bon sens, parce qu'il permet l'amélioration de certains aspects du travail, contribue souvent, dans un premier temps, à susciter l'adhésion des salariés à cette nouvelle méthode. 

Quels secteurs sont-ils concernés par cette méthode ?

Après avoir conquis l'industrie, le lean s'étend désormais à tous les secteurs. "Un des très gros avantages de cette méthode pour l'entreprise est qu'elle permet de dégager en interne de nouveaux gains de productivité sans que ceux-ci soient connus, et donc confisqués, par le maître d'oeuvre ou le client final". 
Le lean apparaît dans la banque, les centres d'appels, le commerce, etc.
Tous les secteurs pourraient-ils être concernés ? "Du moment qu'un consultant promet à une entreprise de réaliser un gain de productivité très important en lui assurant qu'on peut avoir un indicateur de productivité pertinent pour tous les métiers, il n’y a donc pas de limite à son extension vers toutes les activités, y compris la recherche ou l'administration.

Comment se passe l'introduction de cette méthode ?

Cette méthode est souvent "vendue" aux entreprises par des sociétés de conseil qui la facturent fort cher. "Une mission peut coûter 1 million d'euros : cela montre l'importance des gains attendus".
Les délais de mise en place, parfois très courts, visent une pure suppression des coûts (cost killing). Le schéma est le suivant : à une phase d'observation et de mesures succède une phase de réflexion en groupe puis une phase de mise en place, parfois brutale.
Dans le centre d'appel d'une société de services informatiques (SSII), le lean a été implanté en 12 semaines seulement !  
De plus, l'entreprise n'annonce pas toujours la couleur. Dans un centre logisitique industriel (650 salariés), une expérience racontée par Nadia Santoro, la mise en place du lean s'est faite en même temps que celle d'un progiciel de gestion intégrée (EPR). Mais sans que cela soit annoncé clairement : "Le lean a toujours été caché. Il était plutôt question de plans de convergence".

Quels sont les indicateurs retenus dans cette méthode ?

Le temps est l'élément majeur dans les indicateurs retenus. On s'étonne du caractère "pifométrique" des calculs entérinés par la direction de cette SSII : "Les facteurs améliorant la productivité donnent des pourcentages très précis, comme 22,61% pour l'ajustement des ressources à la demande. Mais ce qui est curieux, c'est que ces gains sont divisés par 2 par la direction pour estimer le bénéfice probable de la démarche. Pourquoi diviser par 2 ? C'est non scientifique". D'où l'intérêt pour les représentants du personnel de s'intéresser de près à ces questions et ces calculs...

Quels sont les conséquences de cette méthode sur l'emploi ?

Dans un centre d'appel, le lean, en "permettant" d'identifier divers "gaspillages" mais aussi les "lows performers", c'est à dire les salariés dont les performances sont en-dessous de la moyenne, est parvenue à justifier le passage de 100 à 77 personnes".
Dans cette entreprise logistique, l'introduction du lean a entraîné le départ des agents de maîtrise de plus de 50 ans, les plus jeunes étant promus. "Le lean a provoqué un grand changement du métier d'agent de maîtrise, auxquels on demandait de gérer une équipe mais aussi un budget comme un chef d'entreprise".

Et quelles sont les conséquences sur les conditions de travail ?

Dans ce centre logistique, c'est toute l'organisation et les conditions du travail qui ont été bouleversées : pauses fixes, limitation du déjeuner, définition de moyennes pour les déplacements qui pénalisent les plus âgés. Le lean a engendré aussi une perte d'autonomie (alors qu'en théorie, cette méthode vise l'inverse) des opérateurs, avec des messages infantilisants. "Chaque salarié doit avoir en permanence dans la poche des commandements, par exemple : "Ne pas se dire "je n'arrive pas à faire cela" mais "se demander comment je pourrais le faire".
Mais si la méthode a pu être mise en place, c'est aussi parce que les premiers résultats des groupes de travail visant à chasser les gaspillages ont produit des résultats concrets qui ont frappé les salariés : "La mise en place d'un repérage visuel était un progrès spectaculaire. Tout le monde s'est dit : pourquoi n'y a-t-on pas pensé plus tôt ?"

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