Les dangers de la négociation d’entreprise
C’est le sujet favori des médias dans le conflit des régimes spéciaux, mais pourquoi les gouvernements successifs et le patronat souhaitent favoriser la négociation d’entreprise au détriment de la négociation collective, pour quelles raisons :
Cette volonté est mise en oeuvre depuis le début des années 1980 (eh oui !), les employeurs deviennent demandeurs de négociations. En 1982, la négociation devient obligatoire à intervalles réguliers dans certains domaines, la négociation collective devient un outil de gestion des entreprises et de rationalisation de l’organisation du travail. Ce n’est plus seulement un outil de promotion sociale, nous ne sommes plus dans une logique d’acquisition (vieille revendication dans le milieu patronal).
Les 5 piliers traditionnels de la négociation collective (avant la loi du 4 mai 2004) étaient :
Un accord collectif ne pouvait être signé que par un représentant des organisations syndicales.
Un accord signé entre CE, DP et employeur n’était pas un accord collectif mais un « accord atypique ». Un accord collectif pouvait être dénoncé, mais avec obligation de renégocier ; un accord atypique ne pouvait être dénoncé que par l’employeur et sans obligation de renégocier.
èLe Conseil Constitutionnel valide la loi de 1995, estimant que les OS sont les partenaires privilégiés pour la négociation collective mais n’ont pas un monopole. La négociation avec d’autres acteurs que les organisations syndicales est possible.
Une seule organisation syndicale pouvait signer un accord collectif. Il s’appliquait alors de la même manière que s’il avait été signé par plusieurs organisations syndicales. De même pour les accords d’entreprise.
èDès 1982 apparaît « le droit d’opposition ». Un accord est valablement signé par un seul syndicat, mais les syndicats ayant obtenu en voix plus de 50% des électeurs (et non pas des suffrages valablement exprimés) peuvent s’opposer à l’application de l’accord. Pratiquement jamais utilisé car difficile d’obtenir plus de 50% des électeurs inscrits. La loi de 2004 impose « le principe majoritaire ». Les accords doivent être signés par des syndicats majoritaires dans les entreprises (50% des suffrages valablement exprimés).
Signifie « à l’égard de tous ». Un accord collectif s’applique à tous les salariés, qu’ils soient ou non adhérents des syndicats signataires. Différence avec d’autres pays nordiques (explication partielle du plus faible taux de syndicalisation français).
è Pas encore remis en cause
Les fondements des relations de travail entre employeur et salarié sont définies dans le code du travail qui lui-même est décliné :
è En 2006 « la loi de l’entreprise », donne la priorité à la négociation d’entreprise. C’est une volonté de recentrage sur l’entreprise, la recherche d’autonomie complète des acteurs d’entreprise. Cela remet en cause le rôle central de la négociation de branche professionnelle. En effet, les conventions de branche permettent une certaine régulation de la concurrence en « harmonisant » les conditions d’emploi de toutes les entreprises travaillant dans le même secteur d’activité et évitant ainsi la concurrence déloyale. Rappelez vous les accords Bosch, la négociation d’entreprise c’est le moins disant social au nom de la sauvegarde de l’emploi.
L’accord collectif devait être plus favorable aux salariés que la loi. Un accord de niveau inférieur ne pouvait pas être moins favorable qu’un accord de niveau supérieur (ex : accord d’entreprise pas moins favorable qu’un accord de branche, contrat de travail pas moins favorable qu’un accord d’entreprise). Si deux normes étaient applicables à un salarié, la plus favorable s’appliquait systématiquement. Structure en pyramide, à la faveur des salariés : le Code du travail est un minimum que la négociation a pour but d’améliorer.
La logique même de la négociation collective était une logique d’acquisition.
è Les accords dérogatoires apparaissent en 1982 : la loi prévoit des domaines dans lesquels les conventions, accords collectifs et accords d’entreprise peuvent être moins favorables que la loi. Ces domaines de dérogation sont élargis entre 1987 et 1993.
On comprend mieux la priorité donnée à la logique de négociation d’entreprise. Demain, des élus de l’entreprise sans appartenance syndicale (voire mis en place par l’employeur), sans connaissances juridiques, pourront signer des accords moins favorables que les conventions collectives, que les accords de branches et que le code du travail !!
Sous la pression de l’employeur et face au chantage à l’emploi, nous allons passer de la négociation collective à l’accord non négociable (accord d’adhésion). Cette logique répondra-t-elle à la volonté patronale ?
Cette méthode de négociation ne simplifiera pas les
relations au contraire il y aura un tel amas inextricable de contrats que seuls
les juristes avertis pourront en saisir les valeurs, les salariés seront de
plus en plus isolés car chaque entreprise aura sa charte seuls les plus
pugnaces pourront se défendre. Le développement du « chacun pour soi » qui
n’est pas favorable aux salariés.
Effectivement les entreprises auront tout loisir de se tailler les conventions qu'elles souhaitent car les acteurs sociaux isolés pourront être mis sous influence, avec les risques de dumping social et de concurrence déloyale.
Cette logique de négociation d’entreprise permet de comprendre les derniers événements qui sont survenus dans la branche de la métallurgie du MEDEF (l’UIMM). En effet, depuis les années 1950, l’UIMM et les organisations syndicales représentatives au niveau national ont développé la politique contractuelle (négociations et signatures d’accords collectifs), le bon niveau de protection sociale de la convention collective de la métallurgie est la preuve de cette réussite.
Mais le responsable de l’UIMM s’est positionné du coté de FO-CFTC-CFE/CGC contre la négociation d’entreprise.
Peu de temps après, l’affaire éclate au grand jour et il est contraint de démissionner. Coïncidence ou manipulation ?
Sa remplaçante Mme KOPP, ancienne PDG IBM France, celle-là même qui a diminué les salaires de –7,7% en 1994 au nom de la sauvegarde des emplois (eh oui déjà le chantage à l’emploi). Le bilan IBM FRANCE : c’était plus de 22 000 salariés en 1994 et aujourd’hui moins de 9000. A chacun d’apprécier l’efficacité de cette mesure.