Ouverture du droit et acquisition des congés payés : la France va devoir revoir sa copie

En juin 2010, la Cour de cassation avait saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) afin qu'elle se prononce sur la conformité d'un certain nombre de points de la législation française en matière de congés payés au regard d'une directive européenne (dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ; cass. soc. 2 juin 2010, n° 08-44834 D).

La première question se rapportait à la règle selon laquelle le droit à congés payés des salariés n'est ouvert que si les intéressés totalisent 10 jours de travail effectif (c. trav. art. L. 3141-3). Sur ce point, la réponse de la CJUE est sans ambiguïté : la condition liée à un travail effectif minimum prévue par le code du travail n'est donc pas conforme au droit communautaire. Une proposition de loi en cours d'examen devrait d'ailleurs supprimer cette condition du code du travail.

La seconde question concernait les règles d'acquisition des congés payés au regard des arrêts de travail. À l'heure actuelle, les arrêts de travail liés à un accident du travail ou une maladie professionnelle sont assimilés à du travail effectif pour l'acquisition des congés payés, et pas ceux liés à un accident ou à une maladie non professionnel (c. trav. art. L. 3141-5).

A ce sujet, la CJUE relève que la directive du 4 novembre 2003 n'opère aucune distinction entre les travailleurs absents pendant la période de référence en vertu d'un congé de maladie et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période.

En ce qui concerne les absences liées à un accident de trajet, la CJUE demande à la Cour de cassation de vérifier s'il est possible d'assimiler ces absences à des périodes de travail effectif pour l'acquisition des congés payés soit en application du code du travail français, soit sur la d'une application directe de la directive européenne (dans ce dernier cas, cela reviendrait à neutraliser l'effet de l'absence pour la fraction des congés payés égale à 4 semaines). À défaut, le salarié pourrait prétendre à obtenir réparation du préjudice subi.

Plus généralement, tout salarié, qu'il soit en congé de maladie pendant la période de référence à la suite d'un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à la suite d'une maladie de quelque nature ou origine qu'elle soit, ne peut voir affecté son droit au congé annuel payé pour sa fraction égale à 4 semaines. Là encore, le code du travail, qui opère une distinction en fonction de l'origine de l'absence, n'est pas conforme à la directive européenne.

Cette décision appelle le législateur français à intervenir afin de mettre le droit national en conformité avec la réglementation européenne. Les modifications qui seront apportées auront des conséquences directes en matière de gestion des congés payés.

CJUE 24 janvier 2012, aff. C 282/10