Le forfait-jours sous bonne garde !!!

 

A défaut d'avoir trépassé, le forfait-jours est désormais sous bonne garde. Modifications apportées par la Loi 2008-789 du 20 août 2008, JO du 21, p. 13064. (loi portant sur la démocratie sociale et réformant le temps de travail.). La Cour de cassation valide implicitement la convention de forfait-jours au regard du droit européen, tout en posant de nouvelles exigences. Cass. soc. 29 juin 2011, n° 09-71107 FSPBRI

                                                                                                                                             

Rappels

·       Règles de mise en place du forfait jour 07/08/2019

Les règles applicables aux forfaits-jours  06/08/2012

·       Durée annuelle de travail

·       Rachat de jours de repos : jusqu'à 235/282 jours travaillés

§  Dépassement du forfait jours    02/09/2011

§  Entretien individuel annuel obligatoire

§  Un contrôle du nombre de jours travaillés

§  Le suivi de la charge de travail

·       Garanties en termes de rémunération

·       Forfait-jours et temps partiel

·       Forfait-jours et chômage partiel

·       Forfait-jours et astreinte

·       Forfait-jours et télétravail

·       Forfait-jours, congés conventionnels, absences pour maladie

Vers une remise en cause européenne du forfait-jours ?  20/10/2008

·       La directive européenne n° 2003/88

·       La charte sociale européenne révisée

La cour de cassation encadre le forfait jour  25/02/2015

LE FORFAIT JOURS REMET-IL EN CAUSE LE DROIT DE GRÈVE ?

 

1      Rappels

la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dite loi Aubry II, a créé l'actuel régime juridique du temps de travail des cadres. Trois catégories de cadres ont été définies: les cadres dirigeants, les cadres « intégrés » et les cadres autonomes (C. Trav art L3121-38). Chacune de ces catégories s'est vue dotée de dispositions particulières, dérogeant partiellement ou totalement au droit commun du temps de travail. Les cadres dirigeants ont été, par exemple, totalement exemptés du respect de la législation sur le temps de travail, là où les cadres intégrés [à une équipe de travail] s'y sont vus expressément soumis.

En parallèle, la loi a consacré les mécanismes dits de « forfait », qu'elle a réservé à la dernière catégorie de cadres, ceux dits « autonomes ».

les conventions de forfait-jours devenu l'outil miracle alliant transgression de la règle de droit, flexibilisation de la durée du travail et restriction du contrôle du juge en la matière. Le législateur, par une loi Fillon n° 2003-47 du 17 janvier 2003, a refondu ces critères. Les conventions collectives peuvent désormais proposer des conventions de forfait en jours aux cadres autonomes disposant d'« autonomie (sic) dans l'organisation de leur emploi du temps ». Cette définition, des plus permissives, déconnecte le forfait-jours de toute notion de responsabilité exercée dans l'entreprise.

 

le forfait-jours a pour principal « intérêt » d'exempter la personne qui y est soumise d'une grande partie de la réglementation sur le temps de travail. Le temps travaillé n'est plus mesuré en heures, mais en journées, ou demi-journées de travail. La durée travaillée n'étant plus, en tant que telle, mesurée, s'ouvre pour l'employeur toute une série d'avantages:

·       le salarié ne sera plus tenu de respecter les durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail. Le plafond des 10 heures par jour et des 48 heures par semaine - ou 44 heures en moyenne sur 12 semaines" - peut ainsi être dépassé.

·       Mieux encore, le temps de travail effectif du salarié n'aura plus à être décompté : plus besoin de se poser la question des heures supplémentaires. Tout est planifié.

Seuls doivent être respectés les repos quotidiens (11 heures consécutives, c. trav art L 3131-1) et hebdomadaires (24heures+ 11h consécutives, c. trav art L 3132-2), jours fériés, journée de solidarité et congés payés (art. 19-I ; c. trav. art. L. 3121-43 modifié) dans une limite relative de 218 jours travaillés dans l'année, ainsi que la récupération des heures perdues (cass. soc. 3 novembre 2011, n° 10-18.762).

Donc, tout en respectant scrupuleusement la loi, les cadres en forfait-jours peuvent travailler jusqu'à 78 heures par semaine!

1.1     Règles de mise en place du forfait jour

Deux conditions doivent être réunies pour pouvoir mettre en place, dans la branche, l'entreprise, ou l'établissement un régime de forfait en jours :

a)     Une convention collective doit tout d'abord ouvrir la possibilité de négocier, individuellement, des conventions de forfait.

b)    Deuxième condition pour que puisse s'appliquer le forfait-jours : le salarié devra donner, individuellement, son approbation.

La convention individuelle de forfait signée entre l'employeur et le salarié doit respecter la limité fixée par l'accord collectif, qui est de 218 jours (art. 19-I ; c. trav. art. L. 3121-44 modifié). Concernant les salariés IBM le forfait reste à 215 jours (art 2.1 accord 35h IBM France). Le forfait-jours ne peut être mis en place que si un accord collectif le prévoit « ET » si une convention individuelle de forfait est conclue avec chaque salarié concerné.

 

Il faut être vigilant sur le contenu de l'accord collectif, la loi et la jurisprudence ayant posé un certain nombre d'exigences qui, si elles ne sont pas satisfaites, privent d'effet la convention de forfait-jours et peut donc conduire à une situation de travail dissimulé.

·       Il faut fixer dans l'accord « ET » dans la convention individuelle de forfait le nombre annuel de jours travaillés de référence.

·       L'accord collectif doit surtout mentionner les catégories des salariés concernés et prévoir des dispositions permettant de garantir le respect d'amplitude et de charge de travail raisonnables : modalités de contrôle, de suivi, entretiens annuels, plafonds applicables...

 

La mise en application d'une convention individuelle de forfait pour un salarié donné suppose également un accord écrit de celui-ci. La convention est donc écrite et elle a la valeur d'un avenant ou d'une partie intégrante du contrat de travail. Elle doit être claire et suffisamment précise. Il ne peut pas s'agir d'une note de service générale signée par le salarié (cass. soc. 26 octobre 2010, n° 08-41569 D) ni de la seule énonciation du principe de l'application du forfait avec un renvoi général pour ses conditions d'application à l'accord collectif (cass. soc. 31 janvier 2012, n° 10-17593 FSPB). Elle doit fixer le type de forfait dont il s'agit et le nombre de jours travaillés, précisément (cass. soc. 16 novembre 2007, n° 06-40417 D) et non indirectement avec la seule mention d'un nombre de jours de repos (cass. soc. 11 janvier 2011, n° 09-42325 D).

 

En l'absence de convention suffisamment précise, l'employeur devra payer des heures supplémentaires. Le juge a même considéré qu'en l'absence de convention individuelle écrite, l'employeur peut être poursuivi pour travail dissimulé en raison du défaut de mention sur le bulletin de paie des heures supplémentaires qui devraient être payées au salarié, l'élément intentionnel de ce délit étant caractérisé par le seul fait d'employer un salarié en forfait-jours sans convention individuelle de forfait écrite (cass. soc. 28 février 2012, n° 10-27839 D).

 

Le mieux est donc de signer un document clairement intitulé « convention de forfait en jours », précisant le plafond annuel de référence et rappelant la référence de l'accord collectif qui en ouvre la possibilité.

 

lors de son embauche, un exemplaire de l'accord d'entreprise prévoyant l’application du forfait jours à la catégorie professionnelle dont il relevait. Et le salarié avait signé un document « attestant réception » de ce texte. Cependant, pour la Cour de cassation, la remise de l'accord d'entreprise contre signature ne pouvait valoir accord écrit entre l’employeur et le salarié. La convention de forfait doit donc prendre la forme d’une convention spécifique figurant en annexe du contrat de travail ou d'une clause du contrat de travail lui-même. Cass. soc. 19 juin 2019, n° 17-31523 D

2      Les règles applicables aux forfaits-jours

Le mécanisme ayant été conçu pour des salariés autonomes. Il s'agira donc des cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre un horaire collectif. Si la direction et le supérieur hiérarchique définissent les plannings des interventions du salarié auprès des clients sans que celui-ci dispose du libre choix de ses repos hebdomadaires, le forfait-jours ne peut lui être appliqué (cass. soc. 31 octobre 2007, n° 06-43876, BC V n° 180). Tout va dépendre du degré d'autonomie du salarié dans l'organisation de son emploi du temps, de sa capacité à s'organiser librement sans devoir solliciter une autorisation, même s'il existe des contraintes liées à l'activité. Il sera possible de fixer un certain nombre de contraintes, en termes de présence obligatoire à certains moments par exemple, liées à l'activité mais l'importance quantitative de celles-ci ne doit pas, de fait, dénier toute autonomie au salarié.

 

C'est l'examen des conditions posées par la loi et par l'accord qui va permettre de déterminer si un forfait-jours peut être conclu avec un salarié et non le fait d'être employé dans le cadre d'un forfait en jours qui va entraîner l'application de conditions non existantes, prévues par l'accord, comme par exemple un niveau de classification minimal (cass. soc. 3 novembre 2011, n° 10-14637 FSPBR).

2.1     Durée annuelle de travail

Durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait-jours est établi : deux plafonds à ne pas confondre

2.1.1    Le plafond annuel de référence.

Les salariés employés en forfait-jours peuvent être employés sur la base d'une durée de référence inférieure à celle prévue par l'accord collectif. Durant la première année d'embauche et en cas de décalage entre deux exercices sur le nombre de semaines de congés payés acquis et pris, il faudra rehausser ce plafond à due concurrence. C'est la position de l'administration (circ. DRT 2000-7 du 6 décembre 2000) et c'est une position logique du fait que le plafond de 218 jours a été calculé à partir d'un droit à congés payés complet. Ainsi, par exemple sur une année, si un salarié n'a pris que 26 jours de congés, les 4 restants étant pris sur le début de l'année suivante, le plafond de l'année 1 sera augmenté de 4 jours mais celui de l'année 2 sera abaissé de 4 jours.

2.1.2    Le plafond annuel absolu

Le plafond annuel absolu ne peut, quant à lui, être dépassé. Ce plafond de 218 jours ou d'une durée inférieure ne peut être dépassé qu'en respectant certaines conditions.

·       Tout d'abord, il doit s'agir d'un souhait du salarié, en accord avec son employeur, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire. Cet accord donne lieu à un écrit. Cet écrit, avenant à convention de forfait, devra également prévoir la majoration applicable à la rémunération de ces jours travaillés en plus qui ne pourra être inférieure à 10 %. Il s'agit donc en quelque sorte de « jours supplémentaires ».

·       Ensuite, ce travail supplémentaire ne pourra avoir pour effet de faire travailler le salarié au-delà d'un plafond absolu annuel qui, à défaut de fixation conventionnelle, est de 235 jours. Ce plafond annuel absolu de 235 jours devra bien évidemment être adapté comme celui de 218 jours en cas de droits à congés payés incomplets. La fixation d'un plafond annuel absolu conventionnel, différent donc de 235 jours, devra tenir compte des jours fériés chômés, des jours de repos hebdomadaire et des congés légaux.

 

èIl est donc impossible, par exemple, de fixer un plafond par accord collectif à plus de 282 jours car cela signifierait que les droits à congés payés, à repos hebdomadaire ou à jours fériés ne sont pas respectés.

 

èL'avenant, dans l'esprit de ces dispositions, est conclu pour une année seulement et devra donc logiquement être renouvelé chaque année si les parties souhaitent continuer à dépasser le plafond de 218 jours.

2.2     Rachat de jours de repos : jusqu'à 235/282 jours travaillés

Le salarié qui le souhaite peut avec l'accord de l'employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire. Il faut un accord écrit de l'employeur et du salarié (ex. : sous forme d'avenant à la convention individuelle de forfait initiale) (art. 19-I ; c. trav. art. L. 3121-45 modifié).La majoration de salaire dont bénéficie le salarié est fixée par un avenant à la convention de forfait initiale, sachant qu'elle doit au minimum être égale à la valeur de ce temps de travail supplémentaire majorée de 10 %.

 

Cependant, il y a une limite : le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut pas dépasser le nombre annuel maximal de jours travaillés fixés par l'accord collectif. À défaut de précision de l'accord collectif, le maximum est de 235 jours. En tout état de cause, le nombre de jours travaillés doit être compatible avec les règles sur les congés payés, les jours fériés chômés dans l'entreprise, le repos hebdomadaire, le repos quotidien.

Parallèlement, les exonérations prévues par la loi sur le pouvoir d'achat (loi 2008-111 du 8 février 2008, art. 1 et 4) restent applicables, comme prévu jusqu'au 31 décembre 2009, aux rachats de jours de repos des salariés en forfait jours, au rachat des jours de RTT acquis en application des dispositions légales antérieures, ou aux heures supplémentaires dégagées dans le cadre des anciens dispositifs d'aménagement du temps de travail encore en vigueur (cycles, etc.) (art. 23-II, al. 1).

2.3     Dépassement du forfait jours

en cas de désaccord sur le nombre de jours effectués dans le cadre d'un forfait annuel en jours, les règles de preuve sont celles applicables à tout litige sur le temps de travail : le salarié doit fournir des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande, tandis qu'il incombe à l'employeur de présenter au juge des documents de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié (c. trav. art. L. 3171-4 ; cass. soc. 23 septembre 2009, n° 08-41377, BC V n° 200).

La Cour de cassation donne une nouvelle illustration de ce principe dans une affaire où un salarié soutenait qu'il travaillait un samedi sur deux, donc au-delà de ce que prévoyait sa convention de forfait. Si les éléments qu'il apportait n'avaient pas valeur de preuve, ils étaient néanmoins suffisamment précis pour exiger une réponse de l'employeur. Or, ce dernier n'avait produit aucun élément de nature à justifier les jours effectivement travaillés. L'employeur a donc été condamné à indemniser le salarié au titre des jours travaillés au-delà du forfait. Cass. soc. 6 juillet 2011, n° 10-15050 D

2.4     Entretien individuel annuel obligatoire

L'employeur organise un entretien annuel avec chaque salarié en convention de forfait en jours sur l'année. Cet entretien doit porter sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération du salarié (art. 19-I ; c. trav. art. L. 3121-46 modifié). il peut être couplé avec des entretiens annuels prévus d'une manière plus générale en matière de gestion des ressources humaines.

2.5     Un contrôle du nombre de jours travaillés

Les documents permettant de comptabiliser le nombre de jours travaillés doivent être conservés trois ans (c. trav. art. D. 3171-6).

En matière de contrôle, la Cour de cassation a indiqué que le régime de preuve applicable en matière de durée du travail des salariés en forfait-jours est le même que pour les durées du travail en heures, c'est-à-dire que la charge de la preuve ne repose spécialement sur aucune des deux parties, le juge ne pouvant donc se fonder seulement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter une demande (cass. soc. 23 septembre 2009, n° 08-41377, BC V n° 200).

2.6     Le suivi de la charge de travail

Ce point est important et peut être assuré par l'entretien annuel prévu mais aussi par les mécanismes de contrôle et d'éventuels mécanismes d'alerte prévus par l'accord collectif ou ajoutés par l'entreprise permettant au salarié, s'il s'estime débordé par exemple, de saisir l'employeur en urgence. Le comité d'entreprise doit par ailleurs être consulté annuellement sur le recours aux conventions de forfaits en jours et les modalités de suivi de la charge de travail (c. trav. art. L. 2323-29).

2.7     Garanties en termes de rémunération

Pour un forfait annuel en jours, le salaire doit être en rapport avec les sujétions que son travail implique. S'il perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec ces sujétions, il peut obtenir en justice une indemnité (art. 19-I ; c. trav. art. L. 3121-47 modifié). Cette indemnité doit être calculée en fonction du préjudice subi en tenant notamment compte du niveau de salaire pratiqué dans l'entreprise pour le niveau de qualification du salarié concerné. Il est impossible d'écarter ce droit par une clause de l'accord collectif ou du contrat de travail.

2.8     Forfait-jours et temps partiel

Il est possible d'employer un salarié en forfait-jours sur une base inférieure au plafond de référence fixé par l'accord collectif. Ainsi, si le plafond est de 218 jours, rien n'interdit d'employer un salarié en forfait-jours sur une base de 110 jours. Il ne s'agira pas pour autant d'un salarié à temps partiel, le code du travail prévoyant un certain nombre de règles précises en matière d'organisation des horaires, de contenu des contrats de travail des salariés à temps partiel incompatibles avec le mécanisme du forfait-jours.

 

C'est la position du ministère du Travail (circ. DRT 2000-7 du 6 décembre 2000) et plus récemment celle de la Cour de cassation qui a écarté la proratisation du plafond de cotisations de sécurité sociale prévue pour les salariés à temps partiel pour les forfaits-jours, au motif que des forfaits-jours sur une base de nombre de jours réduit ne sont pas des salariés à temps partiel (cass. civ., 2e ch., 1er décembre 2011, n° 10-19710 D).

 

Pour autant, certains textes prévoyant des dispositions spécifiques pour les salariés à temps partiel peuvent aussi les prévoir pour les salariés en forfait-jours réduit. C'est le cas en matière de congé parental d'éducation avec la possibilité de bénéficier d'un congé à temps partiel ou, pour les salariés en forfait-jours réduit avec le versement d'un complément de libre choix d'activité (COLCA) qui diffère selon que l'on se situe en deçà de 50 % du plafond de référence en nombre de jours annuel fixé par l'accord ou entre 50 et 80 % de cette durée annuelle (c. séc. soc. art. D. 531-11).

 

En revanche, la Cour de cassation a choisi d'appliquer aux salariés en forfait-jours la règle prévue pour les salariés à temps partiel (c. trav. art. L. 2314-16 et L. 2324-15) éligibles dans une seule entreprise en cas de multiemploi. Le salarié doit choisir dans quelle entreprise il va être éligible (cass. soc. 16 novembre 2011, n° 11-13256 FSPB).

2.9     Forfait-jours et chômage partiel

Les salariés employés en forfait-jours ne peuvent bénéficier de l'allocation spécifique de chômage partiel en cas de réduction de l'horaire habituellement pratiqué dans l'établissement. En revanche, en cas de fermeture totale de l'établissement ou de la partie d'établissement dont ils relèvent, ils peuvent en bénéficier (c. trav. art. R. 5122-8).

2.10 Forfait-jours et astreinte

Rien n'interdit à un salarié en forfait-jours d'être aussi employé dans le cadre d'un mécanisme d'astreinte. Les périodes d'astreintes seront forcément positionnées sur des périodes non travaillées mais, en cas d'intervention, si l'accord le prévoit, une journée ou une demi-journée de travail sera comptabilisée. Il peut être pertinent de prévoir également un plafond annuel ou mensuel du nombre de jours de repos faisant l'objet d'une astreinte.

2.11 Forfait-jours et télétravail

Il n'est pas incompatible pour un salarié en forfait-jours d'être également télétravailleur mais, dans ce cas, il faudra également appliquer les garanties prévues par le code du travail sur ce sujet. Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci (c. trav. art. L. 1222-9).

 

En premier lieu, le télétravail est forcément contractualisé. Le contrat de travail ou son avenant précise les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. Le même contrat de travail doit préciser les modalités de contrôle du temps de travail si aucun accord collectif ne le prévoit. Ensuite, il est également prévu l'organisation d'un entretien annuel portant sur les conditions d'activité et la charge de travail du salarié (c. trav. art. L. 1222-10). Il pourra s'agir du même entretien que celui organisé dans le cadre des dispositions relatives au forfait-jours.

2.12 Forfait-jours, congés conventionnels, absences pour maladie

Le nombre de jours mentionné dans l'accord collectif et dans la convention individuelle de forfait est indépendant des éventuels congés conventionnels qui peuvent être accordés par d'autres textes. Ces congés doivent être, selon le juge, pris en compte pour vérifier le respect du plafond de référence, ce qui aboutit également, de fait, à proscrire leur récupération. Mais le juge a également posé une règle en matière d'absence maladie en interdisant de réduire le nombre de jours de repos dans des proportions équivalentes à celles de la durée de l'absence maladie, celle-ci ne pouvant faire l'objet d'une récupération (cass. soc. 3 novembre 2011, n° 10-18762 FSPB).

 

En effet, l'article L. 3122-27 du code du travail cite les seuls cas pouvant faire l'objet de récupération (pont, inventaire, force majeure).

3      Vers une remise en cause européenne du forfait-jours

Alors que sur le plan national, le forfait-jours a le vent en poupe; alors que la tendance en droit interne penche clairement en faveur de l'utilisation sans cesse plus large de ces mécanismes d'individualisation et de flexibilisation du temps de travail, sur le plan international, les conventions de forfait-jours sont sur la sellette. Le droit du Conseil de l'Europe et le droit communautaire viennent, de concert, ébranler l'édifice national.

3.1     La directive européenne n° 2003/88

La directive européenne n° 2003/88 du 4 novembre 2003 dispose en son article 6b, consacré aux durées maximales de travail que « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs la durée moyenne de travail pour! chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ». Néanmoins cette règle est sujette à exceptions. L'article 17 de cette même directive, autorise des dérogations à ces durées maximales : « Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les Etats membres peuvent déroger [...] à l'article 6 [...] lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l'activité exercée, n'est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes, et notamment lorsqu'il s'agit: a) de cadres dirigeants ou d'autres personnes ayant un pouvoir de décision autonome ». Les termes de la directive laissent place à l'équivoque.

a)     Une remise en cause est tout d'abord possible au regard des critères posés par l'article 17 de la directive. A ce titre, les définitions françaises des salariés susceptibles d'être soumis à une convention de forfait-jours semblent concorder avec l'exception européenne. Mais cette indétermination, précise la directive, ne pourra s'exprimer que dans trois cas limitativement énumérés:

·       les cadres dirigeants et autres personnes disposant d'un pouvoir de décision autonome,

·       les travailleurs religieux,

·       et la main d'œuvre familiale.

Si en pratique certains cadres disposent bel et bien d'un pouvoir de décision autonome, ce n'est pas le cas de tous, loin s'en faut. La situation des salariés non cadres s'éloigne plus encore des exigences de la directive. Mais les notions de responsabilité et de pouvoir, si elles se superposent parfois en fait, sont, en droit, bien distinctes.

 

b)    Un autre facteur de remise en cause, tout aussi important, mais plus percutant concerne les « principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ». Le législateur doit prendre en compte les risques auxquels sa législation expose les salariés, notamment en matière de santé publique. Ce principe ne doit pas voir son importance minorée. D'ailleurs, la Cour de justice des communautés est venue préciser que la limite maximale des 48 heures hebdomadaires, y compris les heures supplémentaires, constituait « une règle revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale destinée à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé ».

Le forfait-jours, en ce qu'il permet de travailler 78 heures par semaine, constitue à l'évidence un danger potentiel pour la santé et la sécurité des salariés. La validité du dispositif français semble donc sujette à quelques doutes, que seul le juge - communautaire ou national pourra lever.

3.2     la charte sociale européenne révisée

Une invalidité constatée au regard de la charte sociale européenne révisée. Non content de contrevenir, possiblement, aux dispositions communautaires, le forfait-jours se heurte par ailleurs à des dispositions de la charte sociale européenne révisée, texte international émanant du Conseil de l'Europe. Deux dispositions de la charte posent problème.

·       L'article 2 § 1 tout d'abord, qui précise qu'« en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à des conditions de travail équitables, les parties s'engagent [...] à fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire ». Or, nous l'avons vu, la convention de forfait-jours permet de faire fi de toute limite de durée hebdomadaire de travail.

·       L'article 4 § 2 ensuite, qui précise que « chaque Etat signataire s'engage à reconnaître le droit des travailleurs à un taux de rémunération majoré pour les heures supplémentaires, exception faite de certains cas particuliers ».

Saisi par deux fois, le CEDS (Comité Européen des Droits Sociaux) adopte successivement deux décisions en date des 12 octobre et 7 décembre 2004 concluant à la violation par la France de la charte sociale européenne. Le CEDS, estime dans ses décisions, que le forfait-jours ne permet pas de fixer une durée raisonnable de travail hebdomadaire et qu'il accorde de trop larges exceptions au principe du paiement des heures supplémentaires.

 

èRestait donc à savoir si la Charte sociale européenne telle qu'interprétée par le comité européen des droits sociaux peut être invoquée en droit interne. Le Conseil d'État a répondu par la négative, notamment pour l'article 4 de cette charte (CE 2 octobre 2009, n° 301034 ; CE 19 mars 2010, n° 317225).

4      La cour de cassation encadre le forfait jour

Avant d'entrer dans le coeur du sujet, il convient de préciser qu'un employeur ne peut conclure une convention de forfait avec un salarié que si un accord collectif le prévoit. À cet égard, il existe deux catégories d'accord  :

·       ceux conclus avant le 22 août 2008, qui relèvent de l'ancienne réglementation et qui prévoient obligatoirement des dispositifs de contrôle et de suivi de la charge de travail des salariés (c. trav. art. L. 3121-45 ancien) ;

·       ceux conclus à compter du 22 août 2008, qui relèvent de la nouvelle réglementation et qui peuvent se borner à un encadrement a minima des conventions de forfait (loi 2008-789 du 20 août 2008, JO du 21 ; c. trav. art. L. 3121-39).

 

Sans contrôle de la charge de travail, la convention de forfait en jours est nulle Cass. soc. 4 février 2015, n° 13-20891 FSPB . Depuis plusieurs années, la Cour de cassation impose aux accords qui autorisent le recours aux conventions de forfait annuel en jours de prévoir, en plus des mentions légales obligatoires, des mécanismes de contrôle afin de garantir le respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et d'assurer une bonne répartition du travail dans le temps (c. trav. art. L. 3121-39 ; cass. soc. 29 juin 2011, n° 09-71107, BC V n° 181).Les juges sont ainsi régulièrement amenés à prononcer la nullité de conventions de forfait en jours, faute de garanties suffisantes en matière de contrôle de la charge de travail (cass. soc. 24 avril 2013, n° 11-28398, BC V n° 117 ; cass. soc. 28 mai 2014, n° 13-13947 D ; cass. soc. 11 juin 2014, n° 11-20985, BC V n° 137).

 

La Cour de cassation a examiné la conformité du forfait-jours au regard d'autres normes de droit communautaire telles que notamment la Constitution de 1946 et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aujourd'hui partie intégrante du Traité sur l'Union européenne via son article 6. L'article 31 de cette charte dispose que « Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité » et « a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés.

 

Dans son communiqué, la Cour de cassation a indiqué que cette décision ne remettait pas en cause la validité du système de forfait-jours (communiqué « forfait-jours » du 29 juin 2011). Néanmoins, elle pose des exigences qui vont au-delà du dispositif tel qu'il existe actuellement dans le code du travail. Certes, le forfait-jours est obligatoirement prévu par un accord collectif (c. trav. art. L. 3121-39) et il implique le respect des repos quotidien et hebdomadaire (c. trav. art. L. 3121-45).

 

5      Le forfait jours remet-il en cause le droit de grève ?

DECISION DU COMITÉ DES MINISTRES DU CONSEIL DE L’EUROPE DU 26 MARS 2002 ET DE LA DÉCISION DU COMITÉ EUROPÉEN DES DROITS SOCIAUX DU 11 DÉCEMBRE 2001.

 

La réclamation portée devant le Conseil de l’Europe faisait valoir que l’absence de tout décompte du temps de travail en heures pour les salariés au forfait jours empêchait de décompter le temps de grève, ce qui est susceptible de porter atteinte au droit de grève. Ce droit est protégé par l’article 6 par. 4 de la Charte sociale européenne. Le gouvernement français a fait valoir que la jurisprudence française assure le principe d’une proportionnalité entre le temps de grève et les retenues opérées sur le salaire. Le Comité européen des droits sociaux s’est contenté de rappeler le principe de la proportionnalité entre les retenues de salaire et le temps de grève. Il prend acte de l’engagement du gouvernement français d’assurer le respect de ce principe de proportionnalité (article 50).

 

Malgré cet engagement, il faut souligner que le respect du principe de proportionnalité entre le temps de grève et les retenues de rémunération est concrètement très difficile à assurer. Comment trouver la grammaire qui permettra de calculer le passage entre un jour de présence et le nombre d’heures correspondant ? Des contentieux en cours devraient prochainement conduire les juridictions françaises à se prononcer sur cette question délicate. Ce sera l’occasion d’examiner si l’engagement pris par le gouvernement français devant le Comité européen des droits sociaux est sincère. À vrai dire, on peut moins douter de la sincérité des gouvernants sur ce terrain que de la possibilité de trouver une réponse vraiment satisfaisante à cette question. En l’absence d’unité de mesure précise de la durée du travail, comment une proportionnalité pourrait-elle être assurée ?

 

Concernant IBM la réponse est simple:

il suffit de se réferer à l'accord sur le temps de travail Chapitre 5 "temps de travail des cadres" Chapitre 5-4-1 qui définit un journée de travail de référence de 8 heures. donc une heure de grève correspond à 1/8 de jour.